Hergé et Studios Hergé – Coloriage original – Première édition couleur – L’Ile Noire – 1943

Hergé et Studios Hergé – Coloriage original – Première édition couleur – L’Ile Noire – (1943)

Les coloriages exceptionnels d’Hergé – Pages 57-58 de L’Ile Noire, 1943

Ce coloriage original des pages 57 et 58 de la première édition couleur de l’album Tintin L’Ile Noire de 1943 est tout à fait exceptionnel, et ce à plusieurs titres. 

Tout d’abord parce que l’épreuve de la double page servant aux coloristes — le fameux bleu de coloriage — a été imprimé sur une seul grande feuille de papier solide et que celle-ci est restée intact. A remarquer que la disposition de ces deux pages ne correspond pas à celle de l’album, la page 57 se trouvant à gauche et la 58 à droite.

Ensuite, il s’agit d’un de plus anciens coloriages réalisés par Hergé et sa coloriste de l’époque. En effet, après avoir terminé son premier album en couleur, L’Etoile Mystérieuse, Hergé s’attaque à la mise en couleurs de L’Ile Noire en 1943. Il n’y va pas de main morte. Le 5 mars il signale à son éditeur qu’il a remis les pages coloriées 1 à 20 au photograveur et le 13 mars suivant il annonce fièrement que toutes les 62 pages de l’album ont été mises en couleurs. 

Pas de doute que le dessinateur s’est engagé personnellement et à fond dans cette entreprise. Les coloriages originaux pour L’Ile Noire de 1943 ont d’ailleurs été certifiés en 2016 par le Comité d’Authentification Hergé, qui soulignait « qu’il s’agit d’un travail de collaboration, réalisé à la fois par Hergé et par sa première collaboratrice, Alice Devos ».

Le passage des albums Tintin – jusqu’en 1942 édités en noir et blanc – à la couleur représente en effet un tournant important dans la carrière d’Hergé. Son éditeur ne lui donna d’ailleurs pas le choix. En février 1942, le dessinateur fut « convoqué » par Louis Casterman à Tournai. L’éditeur lui expliqua la situation : rien à faire, vu la pénurie de papier — matière première rarissime durant la guerre — les albums Tintin compteraient à l’avenir moins de pages. Il fallait passer de plus de 110 à 120 pages à 64, rien que ça… Mais, pour compenser cette « perte », les jeunes lecteurs pourraient désormais retrouver les aventures du petit reporter en couleur.

Le dessinateur se mit immédiatement au travail, car non seulement il fallait réaliser les nouveautés en couleur, mais aussi adapter les anciens titres, tel que L’Ile Noire. Hergé opta pour la technique dite des « bleus d’imprimerie ». Dans une lettre à son éditeur, datée du 5 mars 1942, il explique pourquoi : « Le procédé qui donne les meilleurs résultats est celui du dessin noir, colorié après sur épreuve. Si l’on colorie directement le dessin, le trait est photographié et reporté quatre fois : il y a donc un trait jaune, un bleu, un rouge et un noir. Au moindre défaut de repérage, un trait jaune, bleu ou rouge est visible à côté du trait noir, ce qui rend tout l’ensemble flou ».

Inutile de souligner que le « maître de la ligne claire ne pouvait pas se permettre un dessin « flou ». Georges Remi devint donc un des pionniers de cette technique dans l’histoire du neuvième art. 

Un dernier mot sur ce bleu de coloriage de L’Ile Noire, dont les aquarelles ont gardé toute leur splendeur initiale : il s’agit d’une des toutes dernières doubles planches sur le marché, montrant Tintin écossais en action sur l’île. De plus, tous les bandits sont présents, de même que le gorille Ranko, le plus gentil des méchants. Passage mythique, grâce à l’intervention courageuse de Milou ! (©Marcel Wilmet)

Superbe état – Dimenions: 29X40 cm –  Avec son certificat du Comité d’Authentification des oeuvres d’Hergé